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Sonnerie de ski

mardi 19 décembre 2023

19 novembre 2023

Je relis un ancien texte, dont je me suis mal occupé, comme souvent, pour "en faire quelque chose", c’est-à-dire lui trouver publication, vie en dehors de moi, mais il me tombe des mains, comme à chaque fois que j’ouvre le fichier d’ailleurs en me disant que, peut-être cette fois, après tout, j’ai un souvenir plutôt bon. Non, pas du tout.

Alors je regarde le début de The Pink Panther, Blake Edwards, 1963, et je me dis qu’il y avait beaucoup de films dans les années 60 qui avaient des scènes de poursuite à ski dans les Alpes. Et puis, le film avance un peu, et je me dis que j’ai déjà vu ce film, probablement. Mais quels sont ces films auxquels je pensais ? J’ai l’image de beaucoup d’entre eux, comme si tous les films d’espionnage faisaient ça à l’époque, et pas du tout aujourd’hui. Un autre film me revient en tête, Charade, de Stanley Donen, 1963, mais je l’ai vu trois fois, et les fois 2 et 3 j’avais oublié l’avoir vu. La deuxième fois, j’ai dû aller jusqu’à la scène de la poursuite dans le marché des philatélistes, pour me dire "ah mais j’ai déjà vu ce film". Et la troisième fois j’ai arrêté au retour à Paris, donc au début. Finalement, je n’ai que trois films en tête de cette époque, et le dernier est en réalité tardif, 1977, The Spy Who Loved Me, de Lewis Gilbert, produit par l’infatigable famille Broccoli. Un peu impossible à regarder, sauf à écrire une thèse sur la femme-objet dans le cinéma américain post-crise pétrolière. Bref, je ne sais toujours pas si, objectivement, le nombre de scènes de ski de descente était plus important entre 1960 et 1980, qu’aux autres périodes.

Dans ces films, les téléphones, avec leur cadran rotatif, sonnent de leur cloche irritante qui tinte, le fameux dring. Et c’est une mise en scène : la nuit, par exemple, dans une pièce sombre et calme, le silence est déchiré par cette sonnerie. Une fois, deux fois, longtemps... Je n’ai pas cherché les références exactes, ce serait à faire (j’ouvre les commentaires pour ça sur cet article pour voir ?), mais on a tous des scènes comme ça en tête. On décroche ou on ne décroche pas. C’est de mauvais augure, presque toujours. Quelques années plus tard, la sonnerie peut-être la même, ou plus électronique, mais vient s’ajouter le déclenchement du répondeur. Nouveauté scénaristique : il est absent et le spectateur entend quelque chose qui sera découvert plus (ou trop) tard. Ou alors, elle écoute le message sans décrocher. Puis avec les téléphones mobiles, avant les smartphones, il y a la possibilité de ne plus avoir ces attentes, ces quiproquos, autre chose vient remplacer ces moyens de mise en scène : l’appel peut-être fait de n’importe quel endroit à n’importe quel autre endroit (avec une période de téléphones satellites dans les voitures). Avec, aussitôt, la possibilité qu’il n’y ait pas de réseau, ressort dramatique, vont-ils s’en sortir, viendra-t-on les sauver ? Puis, les smartphones, qui reprennent cette dernière possibilité, et ajoutent le message écrit, mais comment le mettre en scène ? Il apparaît le plus souvent à l’écran, dans un design copiant l’interface de bulles à droite ou à gauche selon qui envoie et qui reçoit. À chaque époque, on perd et on gagne certaines possibilités d’écriture. Ce n’est pas la même dramaturgie qu’un iPhone vibre sur une table en glissant un peu (souvent un peu trop pour être vrai) ou qu’un téléphone ancien résonne dans un salon la nuit pendant sept ou huit sonneries. Pas pareil d’avoir le message en rentrant dans la cuisine que de l’avoir au volant etc. Il y a ce film, j’ai oublié le titre et à peu près tout, mais le réalisateur ou la réalisatrice avait délibérément choisi l’époque des téléphones fixes, pour des raisons de scénarios.

Il y a Proust dont le narrateur voit au loin la lumière électrique allumée, à travers les feuillages, il sait quelle maison, et ce qu’elle signifie comme présence. Maigret et les téléphones de brasserie du village qui ont passé un appel après 14h parce qu’à midi le téléphone est coupé. etc.

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